La violence psychologique dans les métiers de la restauration est un problème préoccupant et récurrent qui touche un grand nombre d’employés. Très souvent et malheureusement méconnue ou minimisée, elle prend diverses formes et peut avoir des conséquences graves sur le bien-être physique et mental des employés impactés. Ce phénomène est accentué par les conditions de travail particulières qui caractérisent la restauration (horaires prolongés, stress aigu, relations hiérarchiques tendues, etc.). Afin de tenter d’y remédier et de permettre au restaurateur de réduire le turnover important d’employés, nous analyserons tout d’abord les différentes formes de violences psychologiques, les facteurs la favorisant, leurs conséquences et ensuite nous tenterons d’y apporter quelques axes d’améliorations.
La violence psychologique revêt plusieurs formes
- Le harcèlement verbal et le dénigrement :
Les insultes, les remarques désobligeantes voire dégradantes et le ton condescendant parfois humiliant sont souvent présents dans les interactions, que ce soit entre collègues, de la part de supérieurs, ou parfois même de la clientèle.
- Pression abusive :
Les employés dans la restauration sont souvent soumis à une pression constante pour effectuer leurs tâches rapidement, répondre aux attentes des clients, ou atteindre des objectifs de service et de performance.
- Intimidation et admonestations :
Certaines équipes (en cuisine ou en salle) sont conduites par des responsables qui utilisent des méthodes de gestion autoritaires, voire abusives, comme des menaces de licenciement, ou des sanctions démesurées.
- Isolement social :
Les nouveaux arrivants ou ceux considérés comme étant moins performants peuvent être mis de côté par le reste de l’équipe. Cela peut inclure de nombreuses brimades, des refus d’aide ou des exclusions délibérées de certaines activités de groupe. Pour la victime, cela crée bien évidemment un climat de travail anxiogène.
- Surcharge de travail et horaires éreintants :
La restauration est connue pour ses longues heures de travail, qui ne se suivent pas comme dans un métier de bureau et qui se font le plus souvent dans des conditions très stressantes. Cette surcharge peut enfanter une forme de violence psychologique, surtout lorsqu’elle est imposée sans tenir compte du bien-être des employés.
Les facteurs favorisant la violence psychologique
Plusieurs éléments structurels endémiques rendent les employés plus vulnérables à la violence psychologique :
- Stress intense et rythme de travail effréné :
Dans de nombreux restaurants, notamment ceux dont la fréquentation est élevée (brasserie, restauration rapide par ex.), le rythme de travail est particulièrement soudain et stressant. Les attentes de la clientèle sont élevées tant sur la qualité que sur la rapidité d’exécution, ce qui crée un environnement propice à la frustration, à la colère voire à des critiques destructrices entre employés.
- Hiérarchie rigide :
Les cuisines (dans les établissements gastronomiques en particulier) sont très souvent organisées de manière hiérarchique avec une discipline quasi militaire. Les chefs de cuisine ont souvent une autorité absolue, ce qui peut entraîner des abus de pouvoir, surtout dans des situations de forte pression.
- Culture du « silence » :
Il existe souvent une culture non écrite dans la restauration selon laquelle il faut savoir endurer les difficultés et que c’est « l’école de la vie ». Les comportements abusifs sont malheureusement très souvent normalisés ou considérés comme faisant partie du métier, ce qui empêche les victimes de signaler les abus ou d’obtenir de l’aide.
- Absence de protection :
Les employés (surtout ceux en situation précaire ou ceux qui ne sont pas syndiqués) ont très peu de recours face aux comportements abusifs. La précarité de l’emploi et la peur de perdre son poste dissuadent souvent les employés de dénoncer les abus.
Conséquences de la violence psychologique
Comme indiqué auparavant, les répercussions de la violence psychologique dans la restauration sont importantes et nombreuses. Bien que les effets sur les employés soient souvent dévastateurs et négligés (stress, anxiété, burnout, dépression, etc.), il est important de constater que le facteur « macro » le plus important est le turnover important que subit de plein fouet ce secteur.
En effet, la violence psychologique dans la restauration concourt à un turnover élevé du personnel. Les employés épuisés et maltraités finissent souvent par quitter leur emploi, ce qui crée une instabilité pour les restaurants et contribue à perpétuer le cycle de maltraitance en l'absence de prise en charge, en quelque sorte un « ouroboros » de la restauration.
Solutions et stratégies pour endiguer la violence psychologique
Il existe plusieurs axes d’amélioration pour tenter d’endiguer la violence psychologique dans le secteur de la restauration. Voici quelques solutions :
- Formation à la gestion des ressources humaines :
Une formation adaptée pour les responsables de « cuisine » et de « salle » à une gestion plus convenable et empathique des équipes est une première étape importante. Un leadership bienveillant et le respect mutuel peuvent grandement améliorer l’atmosphère de travail.
- Création d’un environnement de travail sain :
Les restaurateurs se doivent de créer une culture d'entreprise qui valorise la communication, l’entraide, et le bien-être des employés. Cela inclut la mise en place de politiques contre le harcèlement et l’intimidation, ainsi que des mécanismes de soutien pour ceux qui se sentiraient maltraités.
- Soutien psychologique :
Offrir un accès à des services de soutien, comme des consultations avec des psychologues ou des coachs professionnels, peut aider les employés à mieux gérer le stress et les conflits.
- Horaires plus flexibles et conditions de travail améliorées :
Diminuer les horaires contraignants et offrir des conditions de travail plus humaines (pauses, jours de repos adéquats) est déterminant pour limiter la pression excessive sur les employés et prévenir le burnout.
- Sensibilisation :
Il est primordial de briser le tabou autour de la violence psychologique dans la restauration. Les campagnes de sensibilisation, que ce soit par des associations de travailleurs ou les entreprises elles-mêmes, peuvent contribuer à mieux faire connaître ce problème et à encourager les victimes à demander de l'aide.
Conclusion
La violence psychologique dans les métiers de la restauration est un problème endémique important, souvent amplifié par la nature exigeante du travail et une structure hiérarchique rigide. Si le secteur commence à distinguer ces abus, il reste encore beaucoup à faire pour instaurer des environnements de travail plus respectueux. La prise de conscience collective, combinée à des actions concrètes des employeurs, de certaines associations voire du législateur apparaît comme évidente et nécessaire si l’on veut à terme créer un environnement de travail où le turnover sera moins marqué.